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Parole de pharmacienne : Comment faire face à la crise sanitaire ?

Pour faire face à la crise sanitaire, les pharmacies ont dû déployer des mesures exceptionnelles et faire preuve d’une réactivité remarquable ! Comment gérer au quotidien l’anxiété des patients, l’affluence en pharmacie, les tests et les vaccins, la téléconsultation ou pas ? Nous avons interrogé Maud Herrgott, titulaire de la pharmacie de la Chaussée à Montargis. Découvrez son retour d’expérience : un témoignage inspirant pour notre profession et des clés pour vous aider à sortir gagnant de la pandémie.

Quel a été l’impact de la crise sanitaire sur la gestion du flux en pharmacie ?

Maud Herrgott : J’ai repris cette pharmacie depuis quatre ans. Une structure importante en termes de chiffre d’affaires, de nombre de ses collaborateurs (35) et d’affluence. Nous accueillons près de 1000 clients par jour!  La gestion du flux en pharmacie est donc un vrai sujet… Pour gérer ce trafic, nous proposons trois files d’attente distinctes : la première avec ordonnance, la seconde sans ordonnance, la troisième pour la parapharmacie.

«93% des pharmaciens ont mis en place des mesures de gestion de flux. Parmi les mesures mises en œuvre, le marquage au sol, le parcours balisé et le filtre l’entrée en officine pour limiter le nombre de patients à l’intérieur.1»

Maud Herrgott : Au début surtout, il a fallu faire face à l’accroissement sans précédent du flux sans ordonnance. Beaucoup de gens fuyaient les cabinets de médecin de peur de se faire contaminer ! J’ai dû mettre en place toutes les mesures nécessaires pour protéger mes patients et mes collaborateurs. Aujourd’hui, le flux est stabilisé car il y a moins de pathologie mais les patients ont encore besoin d’être rassurés.

Quelles sont les conséquences de la crise sanitaire sur votre relation à la patientèle ?

M.H. : Ce qui nous a le plus marqué tout au long de la crise sanitaire : il a fallu faire face à la tension et l’anxiété de la patientèle. En ce moment, les gens ont envie de se faire vacciner et tester vite. Cette situation crée beaucoup d’inquiétude. Mon équipe fait de son mieux mais il y a encore des sujets difficiles :

  • On s’est heurté à l’incompréhension de patients quand les produits n’étaient pas disponibles (fortes demande sur les masques, de gels…) ;
  • On fait énormément de tests et de vaccination toute la journée, mais il reste des gens insatisfaits parce qu’on en fait pas après 19h…

Le point positif du confinement :

De nouveaux clients ont découvert notre officine et reviennent car ils apprécient de tout trouver sur place ce qui leur évite de se déplacer plusieurs fois.

Réalisation croix de pharmacie
De nouveaux clients découvrent l’officine dans le contexte du coronavirus.

Comment assurer le bon déroulement des tests antigènes et des vaccins ?

M.H. : Les services en pharmacie se sont développés activement en cette période d’abord par nécessité – c’est un service rendu indispensable – plus que par intérêt économique. Je crois que nous avons un rôle essentiel à jouer en matière de conseil, de prise en charge et de prévention. L’expérience fût d’ailleurs très positive pour la grippe saisonnière.

Voici les principaux bénéficies apportés :

  • renforcer notre rôle en matière de prévention en pharmacie ;
  • optimiser le suivi des malades chroniques, des personnes isolées et âgées ;
  • toucher une nouvelle clientèle et de fidéliser nos patients…

«Les pharmaciens ont un rôle essentiel à jouer pour que la campagne de vaccination se déroule le mieux possible. Cela passe par l’utilisation du téléservice Vaccin Covid, indispensable à la traçabilité sanitaire, au suivi des consommations réelles et moyennant le versement d’un forfait de 5,40€ par injection.2»

Les entretiens pharmaceutiques
Nous préférons orienter nos clients vers les médecins que nous connaissons.

Pour le suivi des patients en pharmacie

M.H. : Je m’inquiétais pour mes patients les plus fragiles. Il fallait limiter les risques de contamination. Nous nous sommes organisés en conséquence. Ainsi, les vaccinations n’ont pas lieu au même moment que les tests et dans un espace sécurisé, à l’écart de la file d’attente.

Combien de vaccins par semaine ?

M.H. : On est tributaire des doses qu’on nous livre mais on arrive à prendre en charge entre 40 et 80 patients par semaine. Deux collaborateurs sont mobilisés pour tenir le rythme de 10-12 vaccins par heure. La priorité est donnée aux personnes les plus faibles qui y trouvent un cadre rassurant.

Allez-vous continuer à ce rythme ?

M.H. : C’est un service très chronophage entre la préparation, la prise de rendez-vous, le vaccin et le suivi. La plupart de nos confrères (infirmiers, médecins,…) ont abandonnés faute de structure. A terme, je ne sais pas si nous pourrons continuer dans ces conditions. Je manque cruellement de visibilité.

Pourquoi ne pas proposer la téléconsultation dans votre officine ?

M.H. : Nous ne sommes pas équipés de borne de téléconsultation car je n’en vois pas vraiment l’intérêt dans ma pharmacie : située au cœur d’un centre médico-commercial, mes confrères n’y sont pas forcément favorables et je préfère orienter mes patients vers les médecins que je connais. En tant que vice-présidente de la CPTS du Gatinais Montargois*, je fais partie d’un réseau très actif et cela m’aide à orienter mes clients.

«L’offre de services digitaux est rare en dehors du scan ordonnance. Téléconsultation et télé soin sont encore peu proposés en pharmacie.3»

M.H. : Sur notre territoire 27% de notre population n’a pas de médecin traitant. Donc, avec la pandémie, la question de la continuité de la prise en charge médicale des patients s’est vite posée. Certes, la téléconsultation a pu se mettre en place grâce à la messagerie sécurisée et elle a permis de garder la continuité des soins quand les médecins ne consultaient plus. Mais cela ne résout pas tout ! Le plus souvent, nous assurons cette continuité, en particulier auprès de nos patients chroniques, isolés et âgés.

«Le recours à la télésanté a été nécessaire et fortement encouragé auprès des professionnels de ville. Plus d’1 millions de consultations par semaine en avril 2020.4»

M.H. : Il faut savoir que la télémédecine en pharmacie est compliquée à mettre en place : les solutions proposées (plateforme digitale) sont parfois coûteuses et inadaptées à nos besoins. Par exemple, on nous impose d’utiliser des objets connectés (tensiomètre ou otoscope connectés…) alors qu’on sait prendre une tension, cela fait déjà partie de notre quotidien.

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*La CPTS du Montargois-en-Gâtinais (Communautés Professionnelles Territoriales de Santé) est une association réunissant des professionnels de santé libéraux missionnés par l’ARS et la CPAM pour développer le système de santé sur un territoire tels que la téléconsultation, la télémédecine, l’accès au médecin traitant, promouvoir la relation ville-hôpital…

(1)Réseau Hôpital et GHT. Les pharmaciens face au Covid-19. Publié le 27 avril 2020.

(2)Ameli. Vaccin Covid : Le téléservice de suivi de vaccination évolue. Publié le 09 mars 2020

(3)Les Echos Etudes. Vaccin Covid : La crise sanitaire accélératrice de la transformation des officines. Publié le 14 avril 2021.

(4)L’ordre des pharmaciens. Organisation de la télésanté en réponse à l’épidémie de Covid-19. Publié le 27 novembre 2020.